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mardi 5 octobre 2010


Blain ( 21 septembre )


J’ai attendu quelques rayons de soleil avant de quitter, et puis j’ai rejoint Redon assez rapidement, mais Redon est lente à s’éveiller ; impossible d’y prendre un petit déjeuner. “ Des crêpes à 11 heures ? Mais il est trop tôt, et puis mes fours ne sont pas encore ouverts. “ Bon, pas de crêpes. Redon vit à l’ombre de Rennes et Nantes ; grande ville avec un tout petit quartier moyenageux, une petite marina et d’immenses centres commerciaux en périphérie. C’est une ville respectable, mais je n’avais pas à m’y attarder, d’autant plus que l’info touristique était fermé les mardi matin.


De là, j’ai eu l’idée folle d’emprunter le chemin de halage qui relie Brest à Nantes. Un chemin de halage longe un canal sur toute sa longueur. À l’époque des bâteaux à voile, c’est par ces canaux que se déplacaient des navires, dont la flotte impériale. En se déplaçant à l’intérieur des terre ils étaient à l’abri des attaques ennemies, surtout anglaises. Des chevaux traînaient les navires et les carioles qui suivaient laissaient deux sillons derrière elles. Avec l’avènement du moteur, ces chemins sont devenus désuets. Ils ont perdus leur utilité jusqu’à l’avènement des vélos modernes qui permettent aux gens comme moi de se véhiculer sur de grandes distances. Alors quelqu’un a eu l’idée d’en faire des autoroutes à vélo. L’idée est intéressante, sauf que le quelqu’un en question n’a pas compris que le vélo ce n’est pas un cheval. Donc, ce chemin de halage que l’on dit cyclable est essentiellement constitué de cailloux, de gros cailloux, sur un sol de poussière, ce qui fait qu’il est assez pénible de circuler sur ce genre de piste, surtout lorsque l’on est chargé comme un mulet ( blague ) comme je l’étais. À chaque coup de pédale je vivais avec l’angoisse de percer un pneu, ce qui fait que j’aurais été sans ressources dans un endroit isolé où personne ne circulait.


Après une dizaine de km sur cette piste de misère, j’ai pris la première sortie qui s’est présentée. Je suis apparu au bout d’une rue où une gentille dame est venue vers moi pour m’indiquer la direction à prendre pour rejoindre la route principale et puis elle m’a même offert une grosse bouteille d’eau ; un ange. Aux USA, la dame se serait réfugiée dans sa maison en me voyant, et elle aurait appelé la police, juste au cas où, et puis une patrouille serait venue voir, juste au cas où. Bon, après 6km je rattrappais la D164 et filai sans plus me tracasser. Vers 3h je croisai la ville de Blain. Je m’informai à tout hasard pour savoir s’il n’y aurait pas un gîte d’étape. Oui il y en avait un, et ce fut comme si j’avais gagné le gros lot. Pour 9 euros j’eus droit à une maison entière pour moi tout seul. Tout était neuf, avec lumières qui s’allumaient automatiquement sur mon passage, et grande cuisine, et chambre neuve avec édredon de deux pouces ( environ 5 cm ) très chaude, cour arrière avec boyau d’arrosage pour nettoyer mon vélo plein de poussière, et cordes à linge pour suspendre mon linge après avoir fait un lavage à la main. Pas de soucis. Encore plus devant la maison j’avais un château de conte de fée. C’est la première chose que je voyais par la fenêtre en me levant.


Bon, je vais vous expliquer ce qu’est un gîte d’étape. Ce genre de logement s’adresse à des pèlerins, ( entre autre ceux qui font le chemin de Compostelle ) ainsi qu’à des gens qui voyagent en vélo ou à cheval, bref, à des gens qui voyagent d’une étape à l’autre. Les gens en auto sont disqualifiés. L’idée c’est de ne pas faire concurrence aux hôtels de la région, sauf que souvent ce genre d’endroit est situé dans des petits villages qui ont peu de ressources. Les villages consacrent beaucoup d’efforts et d’argent pour construire ce genre d’endroit. Cela influe un peu d’argent supplémentaire à la communauté. Je n’ai rien contre.


Alors, si on veux savoir si un village a un gîte d’étape, on s’informe sur le site internet www.gites-refuges.com, mais le site n’est pas aménagé de façon très interactive, alors il est difficile de s’y retrouver. Aussi, si on ne sait pas, on peut s’arrêter en chemin et demander à la mairie avant que celle-ci ne soit fermée. Blain est une ville assez importante, elle avait donc aussi un centre d’information touristique où une gentille dame a pu rejoindre le responsable, très affable et très aimable. Il s’occupait aussi du camping, le tout propriété de la municipalité. Enfin, mon séjour à Blain fut agréable, et surprenant. La fin de semaine suivant mon séjour, il y avait un genre de festival médiéval avec tournois de tir à l’arc etc... J’ai raté l’occasion, mais avis aux intéressés. C’est à chaque année, à peu près à la même période, tout juste devant le gîte.


Saint-Just ( 20 septembre )


Je suis parti un peu comme un voleur, avec une peine d’amour en prime, ce qui fut assez inattendu. Avant de connaître Rennes, cette ville n’était qu’un point sur la carte, un point comme un autre, un point comme mille autres, maintenant, c’est un coeur qui bat. Bon, pour quitter j’ai emprunté tout doucement la piste qui longe la Vilaine. Non, je ne déteste pas la Vilaine, sauf que le revêtement de la piste y est assez inégal. Au départ, on se retrouve sur une large piste de poudre de roche, ou de roches pulvérisées, c’est selon, mais, après quelques km, la piste en vient à s’amenuiser jusqu’à devenir une voie toute petite où n’importe qui aurait pu s’embusquer ; je sais, il faudrait que j’arrête de regarder des films de peur, mais la route n’est vraiment pas sécuritaire.


Vers 11h je suis arrivé à Pont-Réan, enfin un signe de vie, mais tout y était fermé, sinon une petite pâtisserie près des écluses. Par la suite, le pavage était bon ; je circulais sur de la poudre de roche, mais la piste s’est transformée en gravats et en roches ; ce qui est assez désagréable. Au 39e km, soit vers 1h, j’en ai eu assez de cette route et puis j’ai rejoint une vraie route en bordure de la Vilaine. Au 50e km j’ai atteint Guipry-Messac où il y avait un gite d’étape. J’aurais pu m’arrêter là, mais l’endroit semblait très endormant. Il y avait un autre gîte d’étape un peu plus loin, alors j’ai continué, mais j’ai un peu joué avec le feu.


Pour rejoindre Saint-Just, il y avait un premier panneau qui indiquait 8km, et puis, 5 kilomètres plus loin c’était encore 8km. Pas de commentaires. Bon, après 13 km j’atteignis Saint-Just. À la mairie on s’occupa bien de moi. J’expliquerai dans un autre message ce qu’est un gîte d’étape. On me remit les clés du gîte, et, pour 16 euros j’eus droit à une maison entière juste pour moi. Yes !!! Mais j’ai été chanceux parce que la mairie aurait dû être fermée cette après-midi là, et puis, en fait, tout était fermé dans le village, sinon une toute petite épicerie où j’ai acheté ma bouffe du soir, sinon j’aurais dormis dehors et j’aurais mangé mes bas.


La raison pour laquelle j’ai choisi Saint-Just, c’est qu’on retrouve ici le deuxième plus important site mégalithique de France, après Carnac, en Bretagne. Après le souper, je suis allé m’y balader. On peut mesurer les efforts considérables qu’ont dû déployer ces hommes de la pré-histoire pour y dresser d’immenses rochers dont on peine à comprendre la signification. Certains ensembles constitueraient des sites funéraires tandis que d’autres seraient des lieux de cultes. Tout cela a été édifié sur une période de trois millénaires et s’étend sur au moins 6 kilomètres. Un des panneaux explicatifs montre la disposition d’une portion des stèles, et cela ressemble drôlement à une mâchoire ; un peu comme si les dents d’une bête énorme sortaient de terre. Je ne crois pas que mon explication va aider quiconque, mais c’est l’impression que j’en ai eu. Bref.


Du haut du site, on a une vue imprenable sur toute la contrée. Les gens de l’époque édifiaient leur structure dans l’esprit des chevaliers du moyen-âge ; en hauteur. C’est assez troublant que de se retrouver seul devant ces monuments, surtout à la tombée du jour. Un peu comme l’Abbaye du Mont-Saint-Michel, on a peine à imaginer la ferveur et la passion qui ont animés ces gens et les ont poussé à édifier ces monuments. Aujourd’hui, il n’en reste que l’incompréhension et l’admiration.


En redescendant, derrière la montagne, je suis arrivé dans un petit village assez original où des gens vivaient encore dans des maisons de pierre qui avaient fort probablement été construites au moyen-âge. Certaines maisons étaient laissées à l’abandon, le toit écroulé, tandis que d’autres étaient toujours entretenues et habitées. C’était assez stupéfiant. Je fus tenté de prendre des photos et de filmer le tout, sauf que j’aurais perturbé l’intimité de ces gens qui vivaient simplement leur vie de tout les jours dans un musée vivant. Alors j’ai passé mon tour.

De Saint-Just, on a accès à plusieurs sentiers, il y aurait même un site d’escalade, mais c’est à éviter les lundis.




Rennes ( 17 - 18 - 19 septembre )


Je me suis levé reposé. Petit déjeuner inclus, avec des produits frais du jardin ; excellent pour débuter la journée. La descente jusqu’à Rennes fut facile. La gentille dame du HI me fit entreposer mes bagages excédentaires, sans supplément, car l’accueil n’était pas ouvert avant 16h, puis j’ai laissé mon vélo chez le réparateur ; les collines de Bretagnes avaient beaucoup usé mes freins. Alors je me suis baladé dans les rues de Rennes, à pied, à souhait. Le centre-ville est près du HI, mais il faut pas se tromper de rue.


Rennes est une ville très agréable, sans doute la plus agréable que j’aie visité jusqu’à maintenant en France. Ce n’est pas seulement une ville agréable où séjourner, c’est aussi une ville où j’aimerais vivre. C’est la deuxième ville la plus la plus effervescente en France, et j’ai lu cette expression dans un guide, quelque part. La première ville ? M’en souviens plus. Mais Rennes me suffisait. Rennes est une ville industrieuse et ingénieuse.


Le vieux quartier est agréable ; pas trop tortillard et pas trop rectiligne. Le jour de mon arrivée, dans un parc, je suis tombé sur une vente de livres qu’on ne retrouve plus que rarement à Montréal. Je me suis limité à quelques uns, mais avoir sû qu’il y avait un taux préférentiel en France pour l’envoi postaux à l’international de livres et autres documents papier, alors je ne me serais pas limité.


Les fins de semaine, le soir, le vieux quartier est bondé de milliers de personnes, et surtout de jeunes, car le quart de la population est constitué d’universitaires. Je suspecte qu’il doit aussi y avoir des écoles de mode car dans le coin il y a quantité de petits commerces avec des vêtements très tendance, très innovateurs et très élégants que je n’avais pas vu ailleurs. Être riche, et avoir des malles à remplir, c’est ici que je viendrais. Après les meubles, les vêtements, décidément...


Mais Rennes n’en est pas à une surprise près. C’est une ville toujours fourmillante. La fin de semaine de mon séjour, ce fut la grande braderie annuelle. Comment décrire. Bon, en sortant du HI le samedi matin, je me suis retrouvé devant des kilomètres de particuliers qui avaient installés des kiosques afin d’y vendre différents articles. La braderie s’étendait non seulement sur les canaux, mais refoulait aussi dans le haut de la ville, de sorte que plusieurs rues étaient bloquées à la circulation. Les vendeurs, nonchalants, profitaient de la belle journée pour socialiser. C’est ça Rennes, beaucoup de bonhommie. Sylvain aurait acheté des kilos de bandes dessinés, c’est sûr, car il y en avait à la tonne. Même mon réparateur de vélo avait son kiosque, de sorte que je n’ai eu mon vélo que tard en après-midi. Bon, pas de soucis, on est à Rennes.


Autrement, les canaux servent pour les petits bateaux et les péniches, mais on y a aussi aménagés des pistes cyclables qui, jointes à quantité de bandes cyclables, font qu’il est facile de se déplacer partout en ville, et même en banlieue ; le dimanche il y avait une féria de chevaux dans un parc au sud-ouest et puis ça m’a pris une vingtaine de minutes pour y arriver.


À Rennes, il y a aussi le parlement de Bretagne qui est très couru ; il y a toujours de longues files d’attente devant. Le parlement est situé dans le quartier administratif, quartier plus austère, mais, bon. Un peu plus au sud, on retrouve la Vilaine, à couper le souffle, car la Vilaine est très élégante, de jour mais aussi de nuit. J’adore la Vilaine avec ses édifices début XXe siècle, tout en hauteur, et ses grands boulevards, et les petits ponts de pierre qui l’enjambent. J’adore. Dommage que, un peu plus à l’ouest, l’on ai décidé de la recouvrir, mais c’est un choix qui se défend, car ainsi on facilite les déplacements piétonniers, en suivant la logique du terminus d’autobus qu’on y a installé, mais on y a aussi construit des parkings, moins bon ça. À Rennes il y a aussi une ligne de métro qui va du nord-ouest au sud-est, et que l’on dit très efficace. En tout cas, les bouches de métro dans le vieux quartier sont assez discrètes, mais les déplacements à vélo sont si simples que je n’ai pas pris le métro.


Rennes c’est aussi une ville qui a de bons poumons ; il y a nombreux parcs, beaucoup d’espaces verts pour se détendre, enfin c’est une ville où l’on est bien, tout simplement. J’oublie sûrement de mentionner tout plein de trucs, on m’a parlé de Bruz, en banlieue sud, et quoi d’autre ? Renne est une ville pétillante qui mériterait que j’y revienne, pour un séjour prolongé, cette fois. J’aime Rennes ( est-ce aussi un nom d’une fille ? ).



Rennes ( ou sa banlieue ) 16 septembre, un jeudi.


Après le Mont-Saint-Michel, plus grand chose ne m’importait. J’avais atteint le Kilimandjaro de mon voyage. Après, c’était l’inconnu. Il me restait soit la côte de Bretagne, ou redescendre vers le sud. J’aurais pu aller à Saint-Malo ; il y a une auberge de jeunesse, puis à Dinan, qui serait une charmante cité médiévale, et puis je serais redescendu en empruntant une piste cyclable, très belle à ce qu’on m’a dit, qui descend la Loire en passant par Rennes, mais si cette piste était comme le chemin de halage que j’ai pris quelques jours plus tard, alors je l’ai échappé belle, sinon j’ai manqué une belle occasion.


Non, je n’avais plus d’intérêt en rien, par contre j’en avais assez de me faire geler, alors, sans trop y penser, je me suis élancé vers le sud. J’ai pris la première route qui sortait de Pontorson. J’ai eu droit à quelques km faciles avec de petites montées suivies de descentes. Après 28 km j’étais toujours sur une route terne. Après 48km, toujours pas de signe de Rennes, par contre je pédalais sur une départementale de style autoroute, avec des panneaux indiquant 110 km sur les portions en ligne droite, ce qui me perturbait quelque peu.


Je me désespérais d’arriver à Rennes, puis, à environ 5 km du centre-ville je fus soudain en banlieue. J’avais estimé qu’à environ 10 ou 15 km j’aurais atteint la banlieue, étant donné que Rennes est une grosse ville, mais voilà un autre genre de surprise que peut nous jouer les départementales.


Bon, direction centre-ville. Le HI est sur le bord d’un canal, mais, ici, il y a des canaux dans toutes les directions. Je me suis assez vite repérer, et j’étais assez fier de moi, je dois le dire, par contre, la gentille dame du HI fut fort embêtée de m’informer que tout était complet. Il y avait un genre de congrès de fermiers et non seulement le HI était complet, mais aussi tous les hôtels de la ville. Catastrophe. Complet, un jour de semaine, en septembre ???? Hiiiiiiiiiii !


Bon, deux alternatives ; le train pour n’importe où, ou le centre d’informations touristiques. J’ai commencé avec la deuxième alternative. J’expliquai mon cas à la gentille dame de l’info touristique et celle-ci su se montrer fort patiente. Elle arrêtait pas de me répéter ; “ je vais trouver une solution “. Elle appelait tous les hôtels. J’avais en tête la dame de Dieppe qui m’avait dit “ C’est deux euros si vous voulez que j’appelle pour réserver. ” Bon, on était rendu à 10 euros, puis 12, et le compteur continuait de tourner. Une chambre à 150 euros ? Euh ! Non merci ! Je pensais de plus en plus au train, mais quelle direction ? Saint-Malo ? Quelle ironie ! Finalement la dame m’a déniché un gîte d’hôte qui n’avait pas inflationné ses tarifs. La dame du gîte avait répondu au téléphone en pensant parler à quelqu’un d’autre, sinon elle n’avait pas vraiment dans l’idée de prendre des pensionnaires pour la nuit. Elle était comme ça ; elle répondait quand ça lui disait. Une vraie chance, sinon je n’aurais pas eu la chambre. Après cela, la dame du centre d’info a même appelé au HI pour réserver pour les nuits suivantes, sans frais, et j’ai même eu droit à un beau sourire en prime. C’est un peu ça Rennes ; le sourire en prime.


Ce fut 15 km à pédaler, à l’heure de pointe, surtout en montée, avec les routes en rénovation, et le vent dans le nez. Bon, j’y ai mis le temps. Dans le fond, je remontais vers le nord, mais sur une route différente de ma départementale chérie. J’étais sur ce que les gens du coin appelent “ la route du meuble” Pourquoi ? Sur cette route il y a quantité de commerces ayant rapport au meuble ; vente, fabrication, réparation et que sais-je. Souvent, je m’arrêtais seulement pour contempler les vitrines. Il y avait des styles chics que je n’avais jamais vu ailleurs. Cette route s’étendait sur au moins une dizaine de km, et plus, parce qu’à un moment donné j’ai tourné pour me diriger vers ma chambre d’hôte. Plus loin encore, je devais tourner à Montreuil-le-Gast, sauf que le panneau n’indiquait pas un nom de rue, mais une direction. La rue elle-même n’avait pas de nom. Il fallait tourner au deuxième Montreuil. C’est ça aussi la France ; devine ou t’est baisé. J’ai été m’informer dans une compagnie où des gens las de leur journée ont pris le temps de chercher pour moi, et puis il y en a un qui s’est souvenu qu’il y avait une deuxième direction pour Montreuil. Bon, c’était mieux d’être ça, sinon j’étais dans le gros pétrin.


En effet, il y avait un deuxième Montreuil-le-Gast, et, au bout de la route, il y avait une maison d’époque, mais sans la moindre pancarte avec la mention “ chambre d’hôte “, et personne à l’horizon. J’ai cherché tout autour, et personne. Aaaaaaaaaaaah! Où étais-je ? Puis une porte de grange s’est ouverte, et une dame m’a crié : “ C’est ici “ Ouf ! La première chose que je lui ai dit, c’est que j’étais complètement épuisé, et puis, “ici” était nulle part ; pas d’épicerie non plus que de restaurant à la ronde. Pour un supplément, elle m’offrirait le repas. Bon, tant mieux, je n’aurais pas à bouger pas de là de la soirée, et ce fut une agréable soirée. Elle m’avait dit que c’était 14 euros pour des galettes, une spécialité de la Bretagne. Je me suis dis que 14 euros pour deux ou trois galettes c’était un peu juste, mais dans l’état où j’étais je ne pouvais trop contester. Mais non, des galettes j’en ai eu à volonté. Les galettes, c’est comme des crêpes, mais c’est fait avec de la farine de sarrazin ; c’est plus nourrissant. C’est servi avec du jambon fumé, du fromage, et un petit oeuf à moitié cuit sur le dessus. Moi, le petit oeuf, bof ! Et puis le cidre était servi à volonté. Il y avait un gentil couple de français âgé avec nous. Et oui monsieur, je vais voir si je peux faire installer un gros plateau arrière afin de monter plus facilement les côtes, pour ce qui est du casque, on verra. En passant, pour Sylvain, le monsieur m’a dit “ Vous aviez un GPS pour trouver la place ? Car, vous savez, avec les routes de France... “ Hi ! Hi !


Avec la fatigue et le cidre j’en ai perdu un peu le fil, mais je me souviens des excellents desserts faits avec des fruits frais du jardin. C’est fou ; il y avait de tout qui poussait dans ce jardin. Ce fut un soirée très réconfortante. Je l’ai mentionné, mais personne ne m’écoutais. Alors j’ai gardé ça pour moi, puis je suis allé faire un beau dodo très reposant. La journée était maintenant derrière moi.



Le Mont-Saint-Michel ( 15 septembre )


Voilà des années que je rêvais de visiter la Merveille, et maintenant c’était le grand jour. Je me suis levé tôt. Toute la nuit il avait plu, et le matin était encore indécis. Je suis parti sous les turbulences. Je voulais arriver tôt et éviter l’affluence, mais j’aurais dû me souvenir de la maxime ; “ mieux vaut partir à point. “ En chemin j’ai bien croisé quelques restaurants, mais je voulais prendre mon petit déjeuner au Mont, c’est tout. Sauf que le Mont est lent à se réveiller. À l’approche de la Merveille on est saisi d’émotion ; c’est un sacré diamant dans l’écrin de la baie. Ouf !


J’ai pris mon temps pour y arriver. Après quelques révérences, afin de prendre des photos, bien sûr, et après avoir cadenasser mon vélo à l’endroit prévu à cet effet, je me suis timidement approché des remparts. J’ai repéré une porte en bois. En la poussant je me suis retrouvé dans un endroit sombre, sale, humide et quelque peu sinistre. Pour un instant j’y ai été seul, et je croyais m’être trompé d’endroit, comme cela m’arrive, puis un type avec sarreau est apparu. Je lui ai demandé comment on faisait pour entrer dans la Merveille, et puis il m’a regardé, un peu interloqué, avant de pointer une autre porte en bois. En la poussant, je me suis retrouvé au début de la rue principale, comment sur la photo d’une revue que j’avais acheté à Montréal.


La rue est étroite, le pavé inégal et bien sûr ascendant. Tout mène à l’Abbaye, joyaux des lieux. J’ai tourné un peu en rond avant d’aller voir la gentille dame de l’info touristique. La journée venait à peine de débuter qu’elle était déjà épuisée. Elle me remit un feuillet qui expliquait la géographie des lieux. J’ai mis ce feuillet dans ma poche sans jamais le consulter de la journée. Ce qui me frappa chez cette dame, c’est l’usure des 20 000 touristes par jour, et ce, jour après jour. Cela je le vis aussi chez plusieurs employés des lieux. Jour après jour, le tourbillon des touristes étourdis aux yeux écarquillés, la bouche ouvertes, et les cliquetis à répétition, toujours à entendre les “ attends moi “ ou les “ j’en peux plus “ ou encore les “ c’est encore loin ? “. Une forte proportions des touristes sont des japonais au sourire immaculé. Ils ont même droit à leur guide exclusive, une française qui leur explique tout en japonais.


De façon un peu naïve je fis la tournée des restaurants, mais aucun ne servait de repas avant 11h, minimum. Je me suis donc présenté à l’Abbaye ajeun, un peu dans l’esprit des pèlerins, à l’époque. J’ai monté les marches, beaucoup de marches, mais la vue que l’on a sur la baie agit comme un analgésique ; on ne ressent pas la fatigue, on ne peut qu’être émerveillé par la vue. Avec les gros nuages sombres en prime il ne me manquait qu’une armure et une lance afin de repousser les anglais qui auraient osé essayer d’investir la place. Oups ! Je me laisse un peu emporter. De toute façon, les anglais n’ont jamais réussi à conquérir l’endroit.


Se balader sur les remparts, est vraiment féerique, sauf qu’il y a un peu trop de touristes, et puis lorsqu’il y a une bretonne à bout de souffle qui engueule son mari qui ne veut pas l’attendre, alors là la magie en prend pour son rhume.


La première visite de l’Abbaye en français débute vers 10h20. J’avais mis mes sandales, car j’avais peur d’abîmer le plancher avec les bouts de métal de mes souliers de vélos. Un vrai pèlerin vous dis-je. Tant qu’à y être, j’aurais dû y aller nus pieds. Pieds bleus ou pieds mauves, à ce compte ça ne faisait pas une grosse différence. La visite débuta à l’extérieur, au sommet, exposé au vent, très froid, surtout pour les orteils. J’étais là à écouter la jeune guide, au demeurant très intéressante et très passionnée, pas pressée de nous faire entrer, et puis c’est là que je réalisai que je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Depuis des années que je voulais être là, et maintenant que j’y étais, je ne savais pas ce que je faisais là. Va comprendre. J’étais comme un jeune marié qui, au pied de l’hôtel se demande ce qu’il fait là.


La visite a duré 2h30 ou 3h, quelque chose du genre. J’ai traversé les entrailles de la Merveille, en tous sens, j’ai tout vu, beaucoup filmé, et je ne sais pas si c’est vraiment cela que je recherchais. Peut-être que je voulais seulement être en présence de la Merveille, sans vraiment mieux la comprendre ? Devrais-je raconter ce que j’ai vu ? Peut-être est-ce mieux pas ?


Je crois que le Mont-Saint-Michel est avant une présence réconfortante. Peut-être que je n’avais pas besoin de le visiter ; simplement de le voir de loin, de savoir qu’il existait encore me suffisait, je crois. Je ne partage pas la foi de ceux qui l’ont construit, mais de simplement savoir que des gens de foi aient pu édifier une telle Merveille est réconfortant, et me donne foi en l’humanité.

Après la visite je suis allé mangé une crêpe sur les murailles, juste pour dire que j’avais mangé une crêpe dans un restaurant, sur les murailles. Une toute petite crêpe, toute mince, avec un peu de compote de pomme qui devait provenir d’un pot acheté à l’épicerie du coin, avec un petit café, tout petit, que j’ai bu en deux gorgées ; environ 5 ou 6 euros. J’en était quitte pour une bonne vantardise. Pendant que j’étais attablé, un groupe ayant traversé la baie à pieds arrivait à l’Abbaye, touchant terre au niveau du stationnement, empêtré parmi toutes ces autos stationnées.


En sortant de table j’avais encore faim, très faim. Je suis descendu par un petit escalier encombré d’élèves en sortie de classe, élèves complètement épuisés et dépassés. Au niveau de la rue principale c’était la cohue. Je ne voulais que m’acheter quelque chose à manger, mais on n’avançait que péniblement tant il y avait foule. Finalement je me suis acheté une pâtisserie, puis je me suis lancé à la recherche d’un endroit tranquille où grignoter. Inutile de songer à remonter par l’escalier que je venais d’emprunter. Alors il ne me restait qu’à monter par la rue. Je suis monter une deuxième fois jusqu’à l’Abbaye. Et dire qu’il n’y a que 30% des touristes qui visitent le Mont-Saint-Michel qui montent jusqu’à l’Abbaye. Ce jour-là j’ai contribué un peu à embellir les statistiques.


J’ai fini par me trouver quelques marches inoccupées, mais il y avait toujours un couple de japonais qui se présentait devant moi pour se faire photographier. Sacrés japonais, ils aiment se faire photographier, et même devant n’importe quoi ; derrière moi il n’y avait qu’un mur de pierre. Bon. Après avoir grignoté, accroupi comme un écureuil, j’ai fait la tournée des petites boutiques. Bien sûr, le Mont-Saint-Michel a été étatisé par la France dans les années soixante alors que les quelques moines qui y résidaient encore manquaient de ressources pour entretenir l’Abbaye, alors, en devenant une attraction touristique, plusieurs commerces se sont greffés à l’ensemblen et on y retrouve le Mont-Saint-Michel apprêté à toutes les sauces. Je me suis prêté au jeu, et puis j’ai acheté quelques petites babioles.


Et puis après ? Après ? Que faire au Mont-Saint-Michel? Que faire du Mont-Saint-Michel ? J’ai eu un petit pincement au coeur lorsque j’ai fini par me raisonner et par comprendre, par comprendre qu’il était temps de quitter. Toutes ces années d’attente, et puis, maintenant ? Et puis, après ? Que restait-il du monde ? Que restait-il de la vie ? Et puis, après ? Non, il était simplement le temps de quitter, avec tristesse, surprise, déception, amertume, émerveillement, malaise, le coeur chaviré et l’estomac aussi. Simplement le temps de quitter.


J’ai retrouvé ma porte de bois. Il y avait encore affluence de touristes en sens inverse. À l’extérieur, j’ai compté trente autobus de touristes. Certains quittaient, d’autres arrivaient. Trente autobus à environ 100 places, il faut ajouter à cela les automobiles, cent, deux cent ? Et les quelques vélos, comme moi. En 2012, le stationnement va être refoulé d’un ou deux kilomètres plus loin ; tant mieux.


J’ai quitté en faisant quelques clics clic, afin que le Mont-Saint-Michel ne me quitte jamais vraiment, escorté par les moutons qui me montraient la voie. J’ai pris mon temps, me retournant souvent. À la croisé de la grand route, environ 3km plus loin, j’ai enfourché mon vélo et puis je suis retourné tout doucement au HI.